C'est la vie ! Vanités de Caravage à Damien Hirst (Musée Maillol)


Je reviens du musée et qu'un mot à dire (ou 3, si vous l'entendez ainsi) : OMG (Oh My God)

Ceci n'est pas un OMG d'émerveillement, mais plutôt un OMG du style WTF (What The Fuck) tant cette expo que j'ai si longtemps attendue - si longtemps espérée, quand je me retrouvais sous des montagnes de livres traitant de la vanité à travers les siècles (soit 2 livres peu lourds - quand mon professeur de physique me disait que je prenais les taupinières pour des montagnes il avait dans ce cas précis bien raison) et que je n'y trouvais, de page en page, que frustration et désespoir - m'a laissée sur la faim (l'expo. Il faut suivre !)

Bref, on va me demander d'argumenter, donc je vais argumenter.

J'ai eu un étrange sentiment kafkaïen en me baladant dans cet espace d'exposition. Sentiment non induit par son architecture mais par cet obscur procédé d'organisation des œuvres. Je m'explique : nous arrivons dans la partie "Contemporaine" de l'expo au rez-de-chaussée (ou un poil en dessous du niveau de la Seine) où sont exposées du Basquiat, du Warhol, du Niki de Saint-Phalle, du Messager, du Hirst (beaucoup de Hirst - encore 2 ou 3 œuvres de cet artiste et on aurait presque pu croire à une expo personnelle + guest)... Bref, des gens quasiment tous morts, mais bel et bien des artistes contemporains.
Puis par un presque demi-tour rotatif chassé incliné (attention à la marche) avant gauche, on arrive dans une salle annexe titrée "cabinet de curiosités" où l'on peut voir côtoyer dans une relative harmonie des anamorphoses anonymes de XVIII-XXè s., une autre anamorphose contemporaine The Skull (P. Delvaux, 1997), des crânes académiques et des cannes en ivoire. Arrivent ensuite, ce qui semble être encore sous le joug de la thématique "cabinet de curiosité", les installations de Alberola, Rien, 1995, et des vidéos de Oursler et Canevare. A savoir le pourquoi du comment ils en sont arrivés là, cela reste un mystère.

La suite de l'expo se passe au second étage (le premier étage étant la suite et fin, mais nous ferons en dernier un tour au sous-sol pour la suite de la suite de la visite... alala la prochaine fois je louerai les services d'un sherpa) où se divise alors l'expo en deux branches à priori distinctes : "Classiques" ("Mourir à Pompéi" et "Naissance de la Vanité") et "Modernes" ("La conscience et la mort").

Alors là, nous entrons dans la quatrième dimension. Crions tous en cœur "WTF".

La visite bifurque premièrement dans la direction des "Modernes" où nous trouvons :

Picasso, Braque, Cézanne... jusque là, c'est pas trop mal... Nadar, McDermott et Mc Dough... moui ok, alors c'est de la photo on va dire que ça passe... Ernst (WTF ?), Ernest Pignon Ernest (WTF !?), Jake & Dinos, the same thing only smaller or the same size but a long way away, 2005 (WTF² !?!)... faut-il continuer ? je préfère que vous me signiez une décharge avant toute chose. Ne vous en faites pas, ya dla bonne à la fin aussi.
Bien, sortons de là, avec une tête ahurie (O_o) mais on se dit que ce ne sont que des anomalies peut-être accidentelles et que tout ira mieux après... Gag.

Quart de tour droite : la partie "Classique".
La partie classique se divise en deux thématiques : "Mourir à Pompéi" et "Naissance de la Vanité".

Mourir à Pompéi

Cette thématique débute avec une mosaïque trouvée à Pompéi et datant du Ier siècle ap. J.-C., intitulée Memento Mori, d'auteur inconnu. Puis suit l'œuvre de P. Pasqua : Crâne aux Papillons, 2006 (?!), puis trois vitrines des bijoux de Codognato, XXe siècle - avec des noms célèbres des amateurs du genre - Annunzio, Vosconti, Onassis, Elton John (la classe)... En face des dites vitrines un accrochage semblé organisé par la Sainte mère Tombola où s'alternent œuvres (peintures et photo) de S. Renard de Saint André, Vanitas, 1650 ; C. Sherman, Untilted, 1992 ; L. Maradori, Cupidon endormi, XVIIe siècle. Et pour couronner le tout, dans une petite pièce au fond, un théâtre d'ombres de Boltanski.
Ah oui, j'oubliais : un autre Hirst.

Naissance de la Vanité

La naissance de la Vanité concerne véritablement la Renaissance. Hors de l'imagerie profane des pays bas - dit "âge d'or Hollandais" ou "siècle d'or néerlandais" (en majorité sous forme de natures mortes), la Vanité prend place dans les œuvres à thématique religieuse comme symbole de la pénitence ou de la méditation et accompagne inéluctablement Madeleine, Saint François ou Saint Jérôme. Avec soulagement, il y a dans cette place Saint François en méditation, Caravage, 1602 (le coquin de Caravage sait se faire prier j'ai eu peur que Caravage soit en fait un pseudonyme de Hirst ! "Vanités, de Hirst à Hirst" ça le faisait pas) ; Saint Jérôme en méditation, P. Paolini, 1629... Et là, c'est le drame : perfidement embusqué entre un Caravage et un Paolini, Skull de S. Levine, 2007 et plus loin encore, une impression de déjà vu, Migraine de... Jake & Dinos, 2004 !

Titubant hors de la vue de ce blasphème, descendons un étage pour voir la suite et fin de l'expo (mais pas la fin pour nous, vous suivez ?)... alors heu... c'était quoi déjà ? Alors je crois... que c'était... art contemporain. Effectivement, en fait si je me souviens bien il y a pour commencer le RDC contemporain, le 2ième étage classique et moderne, puis le 1er contemporain. Voilà, nous y sommes ! "Être ou ne pas être photographié" bon alors, photo, photo, tiens bijou c'est original, photo, peinture, photo, sculpture et... photo.

Bien, bien, bien, intéressant tout çà ! Maintenant, descendons au sous-sol pour voir "la plus grande vanité du monde", The Vanitas Record de Koen Theys, une vidéo de 33.37 minutes en boucle, de 2005. C'est une vidéo reprenant le thème des vanités en nature mortes avec la symbolique principale du temps : amoncellement de livres (les connaissances), d'horloges analogiques ou à aiguilles (le temps), de bougies éteintes et de fumée (le temps et la mort en action), d'escargots (lenteur et temps - CF l'artiste), de crânes humains et d'étoffes (peut-être par soucis esthétique mais aussi un attribut de Saint-Jérôme). Niveau bande son, cette vidéo est qualifiée de "silencieuse", on entend les montres faire tic-tac, les escargots faire des bulles de bave, le coq chanter le jour, les chiens hurler la nuit, le plancher grincer. Le tout entrecoupé de deux interviews de l'artiste concernant son œuvre : les questionneurs semblent surtout intrigués par les escargots (ah les journalistes, ça s'étonne de tout sauf du plus important)... A la fin de la vidéo, la scène change : photographes et caméramans à la pelle sous fond d'un colloc' où les voix des experts et autres mondains de l'Art s'entremêlent dans des phrases quasi-identiques et où l'on n'apprend pas grand chose sur l'œuvre elle-même (bonjour, c'est beau, c'est un record, les livres, les escargots, les crânes, au revoir et merci) et puis des applaudissements à en perdre sa modestie.

Je pense en fait que cette œuvre de Koen Theys est la plus sensée, celle qui parle le mieux de ce qu'est la vraie Vanité. On pourra certes faire raconter la même chose au Saint Jérôme de Paolini mais l'organisation de cette expo étant si illogique qu'elle interfère avec le sens de toutes ces œuvres. L'exposition "C'est la vie" n'est-elle pas d'ailleurs elle-même vanité ? Dans le sens où ce travail et la bonne volonté des collectionneurs à travers le monde pour créer cet heureux événement ont été vains...

Alors puisque le temps nous est cher, avant que nous ne pourrissions, avant que les vers ne se repaissent de notre chair et que nos yeux nous tombent hors des orbites, vous pouvez outre-passer la visite (qui est une perte de temps, je le précise au cas où ça ne soit pas compris) et acheter le catalogue qui est, pour une fois, bien mieux que l'exposition. Et oui, petits veinards ! Pour seulement 38euro (attention 5% de remise en vente sur place c'est une affaire en or !) + 9 euro pour payer le droit d'entrée à la boutique qui se trouve au-delà du tourniquet sagement gardé par un viril vigile d'1 mètre 65, vous pourrez consulter des reproductions miniatures d'œuvres rangées correctement dans les catégories "classique", "moderne" et "contemporain" et en plus dans l'ordre chronologique ! Et en cadeau, 80% d'œuvres qui ne seront pas montrées dans l'expo et que vous ne verrez probablement jamais en vrai donc faites pas chier, merde !


Yondas – Untitled Paris
30 avril 2010

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