GRILLES SUR LE GRIL


Les wagnériens intégristes ont dû frémir devant leur poste: un vrai saccage profond et systématique de La Walkyrie perpétré par les deux frères les plus remuants de la vidéo flamande, Frank et Koen Theys.

La BRT a fait la fine bouche et a sans doute craint une plainte en bonne et due forme des Compagnons de la Sainte Hostie wagnérienne; par bonheur, “Carré Noir”, l'espace de liberté pour mirages en tous genres de la RTBF, lui a ouvert la lucarne pour une séance de remue-fantasmes.

Ils n'y sont pas allé avec le manche de la lance, les deux frérots: d'abord, on prend l'enregistrement de Karajan, on le trafique tant et plus avec passages de tracteurs, interpolations et élagages, distorsions et vociférations diverses dans le giron de la Philharmonie de Berlin et le gotha des grandes voix wagnériennes.

Du côté de l'image, c'est la féte: incrustations façon Jean-Christophe Averty, le régiment des Walkyries remplacé par une escadrille de poupées gonflables, et on ne vous laissera rien ignorer de l'anatomie intime de Siegmund.

Face à cette écriture vidéo (finalement assez lasse: ce type de montage répétitif n’a vraiment rien de commun avec le système de leitmotive auquel les réalisateurs veulent se référer), on hésite entre l'agacement et la rigolade à moins que l'on ne se laisse hypnotiser par le débit effréné des images. Désacralisation d'un spectacle que d'aucuns ont jadis transformé en culte ?...

C'est un combat d'arrière-garde et, dans ce cas, la charge est trop légère. Exploration esthétisante, créant quelques courts-circuits dans la trame de l'opéra, immergeant Wagner dans les eaux perverses de nos fantasmes d'homme du xx· siècle... Sans doute. Curieusement, cette mise en forme télévisllelle de l'opéra le rapetisse au lieu de l'ouvrir sur d'autres abîmes.


Fernand Leclercq - LE SOIR
21.10.1989

back